Les véritables effets de la crise des opioïdes peuvent être masqués par la stigmatisation.
« Mon objectif est de faire entendre celles et ceux que souvent on n’écoute pas », déclare M, une travailleuse de la réduction des méfaits de la Colombie-Britannique. « Avoir la chance de pouvoir le faire est véritablement un privilège », ajoute-t-elle.
Elle explique que c’est souvent à cause de la stigmatisation associée à la consommation de drogues que les gens refusent de s’exprimer et de raconter ce qu’ils vivent. « Lorsqu’une personne est victime d’une surdose, elle éprouve une certaine honte et c’est ce qui fait qu’il peut être difficile pour elle d’en parler. »
M se souvient d’un ami proche de sa famille, un ancien toxicomane, sobre depuis près de 10 ans, qui consacrait sa vie et son énergie à aider les autres à rester sobres et à se rétablir. Il avait récemment obtenu un nouveau poste dans le domaine des transports. La vie lui souriait. Puis, il a connu une période plus difficile, à la suite d’une rupture amoureuse, et il a de nouveau consommé de l’héroïne, laquelle était mélangée à du fentanyl. Il en est mort. Bien qu’il ait joué un rôle important auprès de bien des gens et qu’il ait fait preuve d’altruisme et de compassion pendant près d’une décennie, aucune célébration n’a été organisée pour lui rendre hommage lorsqu’il est décédé. Selon M, la stigmatisation y est sans doute pour quelque chose.

Elle relate deux autres cas : celui d’ouvriers qualifiés prospères qui n’avaient pas d’antécédents d’abus ou de mésusage liés aux opioïdes, même si, dans leur jeunesse, ils avaient consommé des drogues dans des contextes festifs. Ces deux personnes s’étaient procuré de la cocaïne. L’une d’elles vivait une période difficile (le décès d’un être cher), tandis que l’autre allait tout simplement rejoindre des amis pour faire la fête. Là encore, la drogue avait été contaminée par du fentanyl. Ces deux personnes sont décédées, laissant derrière elles des familles et des amis profondément dévastés.
Consommer, c’est comme jouer à la roulette russe », déclare M. « Tu ne sais jamais quand tu vas tomber sur du stock contaminé. Que ce soit des pilules ou de la poudre, on ne sait plus trop ce qu’on achète.
N’importe qui peut mourir des suites d’une intoxication aux opioïdes, et ce, n’importe où, n’importe quand. Et malheureusement, il arrive souvent que des histoires comme celles qui viennent d’être évoquées passent sous silence. En outre, du fait que ces situations prennent les gens de court et en raison du jugement des autres et de leurs remarques, les survivants et les familles endeuillées préfèrent s’isoler au lieu de partager leur expérience et de mettre les autres en garde.
Comme l’a si bien dit M, « nous faisons tous partie du même tissu social, nous sommes tous dans le même bateau, mais si nous n’acceptons pas cela et que nous décidons que certaines personnes ont plus de valeur que d’autres, alors nous courrons à notre perte ».